mercredi 14 décembre 2011

- Au commencement... -


Cadeau qu'une amie m'a offert pour mes 19 ans. Sublime, encore merci =)






C'était le matin et l'astre solaire apportait tout juste ses couleurs au monde: le ciel et les nuages pouvaient enfin se vêtir de couleurs pastelles délicates. Ces dernières se sont unies pour former un dégradé de couleurs douces allant du jaune-orangé au violet. Puis, dans la lumière naissante, le ciel a attisé sa flamme. Des éclats de couleurs vives se sont posés à la cime des nuages afin d'incendier le ciel... et d'allumer le regard d'un Lion Blanc, couché sous un arbre immense.
Le feu dans le ciel.
Le signal. 
La force contenue par la grâce, la crinière rutilante dans l'aube, il se lève et marche vers le soleil. Mais quelque chose dans sa démarche a changé. Rares sont ceux qui  auraient pu voir la subtile différence entre son allure du jour et celle d'autrefois. Même moi je l'ai bien difficilement distinguée d'ailleurs. Je pense qu'elle se ressent plus qu'elle ne se voit, finalement. Mais, lui, il sait ce qu'implique cette imperceptible métamorphose. 
Et il marche. 
Oui, il marche encore et encore sur des kilomètres de terres et de forêts. Bien décidé à ne pas perdre de temps, il ne mange ni ne boit du lever au coucher du soleil. Et au crépuscule du jour il s'allonge sous un grand arbre. Son visage noble est tourné vers l'endroit ou se lèvera le soleil il attend. Une silhouette blanche dans le calme de l'obscurité. 
Les étoiles offrent leur reflet à sa robe scintillante. On aurait pu croire qu'il se baignait chaque nuit dans leur lueur protectrice. Et c'était peut être le cas. 
De toute la nuit il n'a pas fermé les yeux. Au matin, lorsque le ciel s'enflamme de nouveau, il se lève, et il marche. Encore. Et au soir il s'allonge une fois de plus sous un arbre, prés de la mer. Il repart au matin dans la lueur d'un ciel enflammé. Mais, en ce troisième jour il s'enfonce dans les eaux de la mer, et il nage. Oui, il nage. 
Malgré son ventre vide. Malgré son manque de sommeil. Malgré les kilomètres déjà parcourus la veille et ceux qu'il devra franchir : il nage, toujours aussi impassible et puissant. Et lorsqu'enfin il atteint la terre, de l'autre coté du monde, il se dresse fièrement. Ses pattes blanches marquent le sable comme des notes de musique sur une partition. Ses muscles roulent sous sa peau humide. Il avance avec tant d'assurance que, dans cette dernière ligne droite, nul ne se serait placé sur son chemin. 
Mais, voyant le soleil incliner sa course, le Lion Blanc accélère le pas.  
Une patte devant l'autre sa marche devient subitement course. Sa crinière de diamant saisit les notes du vent et les fait s'envoler. Son dos s'allonge et se déploie dans un rythme cadencé par sa force et sa détermination.  Jamais il n'a été aussi vite. 
Il croise des Hommes qui ne le remarquent pas, invisible qu'il est lorsqu'il court comme une comète. Et soudain, il stoppe sa course. 
La nuit est presque palpable, mais il est encore temps. Le voici qui pénètre dans un bâtiment des Hommes sans se faire remarquer: car il sait se rendre invisible, même lorsqu'il ne court pas. Il avance désormais plus lentement qu'il n'a jamais été depuis les trois derniers jours, comme si chaque pas exécuté maintenant était investi d'une symbolique sacrée. Son cœur bat lentement et puissamment. Son poitrail s'écarte largement mais son souffle reste inaudible. 
Il n'a pas peur de "l'inconnu qui attend tout être vivant"... 
Il se redresse fièrement et son regard fixe quelque chose contre le mur de la pièce où il se trouve ; il s'approche de cet objet. 
Ce berceau. 
Son destin.
Lentement et sans faire plus de bruit qu'un clignement de paupière, il pose une patte puis l'autre sur le rebord des parois transparentes du berceau. Mais, aussi immense que ce Lion puisse être, elles ne ploient pas. 
Sa pupille de félin s'agrandie, ses yeux prennent la teinte de l'or le plus profond :
Trois jours que le ciel s'était paré d'un habit de couleur pour le prévenir de l'événement...
Trois jours qu'il voyageait.
Trois jours que l'enfant était né et qu'il attendait de pouvoir le contempler. 
Et le voilà qui observe enfin de près l'être qui lui a fait parcourir tout ce chemin. La magie qui pétille dans son regard dût inciter le tout petit enfant à sortir de son calme sommeil : il ouvre ses yeux d'un bleu sombre...et leurs regards se mêlent avec sérénité. 
... Le Lion se pencha un peu plus jusqu'à ce que son souffle atteigne le nouveau né. Il étira alors l'une de ses pattes avant vers la main de l'enfant qui se tendait vers lui. Les doigts du bébé frôlèrent la fourrure de soie du Lion Blanc. S’en écartèrent l'espace d'un instant pour revenir s'en saisir pleinement. La fourrure du Lion se mit alors à briller comme si elle restituait toute la lumière des étoiles emmagasinée durant les deux dernières nuits. 

"Tu nais et je pars, enfant du feu du ciel. Mais je reste avec toi pour toujours" tonna une voix étrange et douce. 

Et alors que le félin devenait lumière, la petite main de l'enfant qui se raccrochait encore à cette fourrure immatérielle prit une teinte d'un blanc nacré.  Elle brillait de plus en plus dans l'obscurité de la pièce alors que la lueur du Lion, quant à elle, s'estompait.  Le félin souriait en regardant l'enfant. Et l'enfant souriait devant cette forme brumeuse qui s'étalait maintenant au dessus de lui,  comme un nuage qui se disloque.
L'enfant aux yeux pétillants tendit sa main vers le plafond de la pièce. Vers la brume qui s'estompait alors que le soleil venait de disparaitre sur terre. Sa petite main et son poignet brillaient encore d'une lueur puissante et magique. Et sur ce petit bras, tendu vers le Lion Blanc désormais invisible, un bracelet indiquait un nom de sept lettres: 
"Laurine"...

***
"La force contenue par la grâce, la crinière rutilante dans l'aube, il se lève et marche vers le soleil. Mais quelque chose dans sa démarche a changé. Rares sont ceux qui  auraient pu voir la subtile différence entre son allure du jour et celle d'autrefois. Même moi je l'ai bien difficilement distinguée d'ailleurs. Je pense qu'elle se ressent plus qu'elle ne se voit, finalement. Mais, lui, il sait ce qu'implique cette imperceptible métamorphose."

Quelque part dans la nuit une enfant vient de recevoir le don d'un Lion. Quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle dise ou veuille, ses pas seront menés par la même force de volonté qui a animé le félin dans ses dernières heures de vie terrestre. 
Il lui a conféré son assurance qui est à la fois comme une bénédiction et un fardeau.  Il lui a transmis une part de ce masque de plénitude qu'il portait toujours, malgré les difficultés ou la douleur. Il lui a offert de comprendre la musique du vent et la lueur des étoiles. 
Et surtout, il lui a donné un nom: 
Patte Blanche. 

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