lundi 25 avril 2011

- La Meilleure façon de prendre une Plume -

Voici une nouvelle qui a été lauréate au Concours de la Nouvelle du Var en 2007, catégorie collège. J'étais donc une élève de 3ème au moment où je me suis lancée.
Ça fait toujours du bien de voir que l'on a évolué, et que notre passion nous habite depuis longtemps =)





La meilleure façon de prendre une plume.


La première fois ?
La première fois que je l'ai fait ?
Que je l'ai osé ?
La première fois, j'étais assez timide et un peu perdue.
C'était comme si on me mettait devant un tableau de Léonard de Vinci en me demandant d'en faire autant, sans savoir si je n'avais déjà pris un pinceau dans ma main de ma vie.
La première fois, j'avais un peu le tournis, mais l'excitation a vite reprit le dessus.
« Il faut être sincère avec soi-même. » m'avait-on dit. «  Sinon tu es sûre de tout gâcher et que ça ne ressemble à rien. Ce ne serait pas ta première fois, par hasard ? »
Et pourquoi tout le monde devrait-il être au courant après que je l'ai eu fait ou pas ? A-t-on une marque sur le front, qui prouve à quelle classe on appartient ?
«  Ceux qui l'ont fait. » et « Ceux qui ne l'ont pas fait. » ?
Je me rappelle encore.
Je m'étais mise un peu à l'écart, loin du brouhaha de la famille, et loin des yeux de ceux qui pouvaient me connaître. Ça peut paraître un peu égoïste de l'avoir caché, mais je considérais cet événement comme un trésor. Comme un pirate qui ne quitte plus la carte du magot, et la porte sur lui jour et nuit.
C'est un peu bizarre d'y repenser, car ça me paraît si loin. Si loin, pourtant, je ne suis pas vieille. Pas plus qu'on ne le croit souvent.
En fait, la première fois, c'était dans ma chambre. Il y avait mon bureau, et la feuille. Juste nous deux.
La feuille.
Blanche, immaculée, avec pour seul compagnon un vieux stylo noir couché sur le côté.
Je l'ai saisi.
Ma main était fébrile et chaude, comme mon envie de passer ce cap.
Alors, je l'ai fait.
J'ai écris mes premières confidences.
Toutes les confidences de mon imagination.
C'était comme entrer dans une bulle fraîche et douce, flottant au-dessus du temps des hommes. Un peu comme les rêves les plus fous.
Au début, mes ébauches créaient des mondes parfaits, où le mal n'avait encore rien souillé. Puis, avec un apprentissage solitaire, mes pensées ont commencé à reconstituer des puzzles oubliés de ma mémoire. Mes histoires me ressemblaient de plus en plus. Ce n'était qu'une rose bordée d'insouciance, pleine d'espoir, tout en gardant cette fragilité qu'ont les nouveaux-nés. Ce fut le temps pour moi d'explorer les premières facettes de la planète qui germait dans mon esprit. De nouvelles odeurs, quelques ruisseaux de-ci et de-là, et l'incroyable effet que procure l'impression de vivre des aventures aux côtés de nos propres personnages : dompter les nuages sur le dos d'un dragon, combattre, le sabre à la main, un seigneur noir, l'espoir de vaincre brillant dans vos yeux de guerrier invincible. Ou plus vraisemblablement les doutes de l'adolescent ne sachant pas quel chemin de la vie prendre.
Des paysages sont nés de ces années folles, des soleils, des ciels étoiles, des hommes, des femmes, et des enfants. Ce peuple extraordinaire, qui s'épanouissait sous mes yeux, m'invitait à prendre place à ses festins, à ses bonheurs, à ses combats, à son existence.
Peu à peu, l'esquisse prenait la forme que je lui donnais. Et comme moi, qui plongeais dans les brumes des doutes de l'âge bête, mes histoires commencèrent à se tinter de coins sombres et sales, dont parfois personne ne pouvait me débarrasser. Mes difficultés d'adolescente rêveuse allaient se déteindre sur ces méchants que devenaient de plus en plus inhumains, comme l'idée que je me faisais du monde.
Un endroit dur et hypocrite, qui ne dévoile son véritable visage que lorsqu'il est sûr de tenir sa proie entre ses mains crochues et expertes.
La temps me déclara la guerre. Plus il passait devant moi, plus je m'enfonçais dans ce fossé boueux et malodorant. J'étais comme ces éléphants d'Afrique, agonisant sur la terre de ses ancêtres, en proie à la torture, une balle plantée dans le cœur, à la vue du chasseur qui avance pas à pas, avec son air satisfait, et moi qui n'attends que le coup de grâce, baignant déjà mon propre sang, ma propre mort.
Sans plus aucune force pour relever mon envie d'écrire, j'abandonnais la feuille et le stylo loin derrière moi.
Mon esprit, comme le sourire de mon intelligence, pour ainsi dire, se plaisait à grimacer et à geindre, pareil à une bête sauvage à qui le dresseur avait trop donné de coups pour lui apprendre à faire le clown.
Alors qu'une année s'était écoulée, aussi vertueuse que le désert, cette partie de moi capable de retranscrire mes émotions, avait perdu tout courage de continuer son ouvrage et laissait mes pensées aller à l'encontre de tous les embouteillages bloqués dans ma tête. Des embouteillages aussi douloureux que des maux de crâne et que des nuages noirs dans le ciel de l'esprit désemparé.
Pour vous donner une image de mon état, je pourrais dire que, lorsque le sage me montrait la lune, je ne regardais que son doigt. Un véritable éclat de rire pour certains, mais pour moi la sensation que le désespoir, aussi lugubre que la bouche du néant, s'offrait à moi comme le seul point d'arrêt.
Puis, enfin, tout à coup, il y eut un rayon de soleil.
Comme une épée de lumière qui perce les rangs des nuages ténébreux.
L'aide me venait d'un endroit aussi inouï et proche de moi que j'en ai sursauté sur le coup. Le secours jaillissait d'une source de mots, tout à fait ce que j'avais auparavant abandonné. Intarissable et bouleversante.
Les livres.
Que je n'avais jamais vraiment aimé ou tout simplement ouverts ! Tout à coup, leurs visages changeaient et se développaient devant moi comme les portraits des plus grands amis de l'homme qui un jour, inventa l'une des sept merveilles du monde : l'écriture.
Ces contes et ces légendes commencèrent à s'emparer de mes contrées oubliées, à faire revivre la flamme que jadis le découragement avait inondée d'échec, la lumière de mes pensées.
Imaginez l'armée des protecteurs des « Histoires qui finissent bien » arrivant soudainement à ma rescousse. Des personnages inconnus qui brisèrent leur anonymat pour reconstruire mes mondes dévastés.
J'étais sidérée.
Personne ne m'avait parlé d'eux. Jamais aucun journal de télévision n'avait signalé qu'une telle chose, existait quelque part dans mon univers ou dans celui de quelqu'un d'autre. Avec courage et persévérance, ils m'ont aidé à redresser ma plume d'écrivain.
Il fallut trouver des matériaux de construction, du bois pour chauffer les maisons, de la nourriture pour tout le monde, et par-dessus tout, que le goût de l'aventure revienne à mes lèvres desséchées.
Cette saveur si forte et prenante, qui vous enlève l'envie d'être ailleurs que dans la bataille dans laquelle vous vous trouvez.
Le temps me signa un armistice. Les dragons revinrent prendre possession de mes montagnes, les blasons de mes chevaliers furent redorés, mon héros, jeunes ou vieux, reprirent le flambeau de la victoire, et la raison s'installa de nouveau chez moi.
Ma plume était à présent de nouveau opérationnelle.
Mais quelque chose avait changé dans ma façon de trouver les mots, et de les manipuler pour qu'ils traduisent le plus fidèlement possible l'expression de mes personnages.
C'était plus pur. Plus authentique.
Mes épreuves d'écrivain n'avaient été que des traits noirs pour rendre mon tableau de Léonard de Vinci plus réaliste.
J'avais été sotte de me lamenter sur mon sort de pauvre être délaissé, sans une plume pour écrire ses rêves. Je n'avais pas encore compris que la vie n'était que l'échafaudage d'une suite de tourments pour rendre l'âme plus sage et plus vraie. Les rayons de la vie sont tout aussi beaux et plus chers à nos yeux lorsque nous en connaissons le prix.
Je le répète encore, je ne suis pas vieille, pas plus qu'on ne le croie souvent.
Lire des livres est une chose bizarre. Vous commencez en pensant être assez intelligente pour écrire à votre tour, mais ils vous font ravaler votre fierté d'adolescente amoureuse de l'Aventure, juste en tournant une page, et arrivent quand même à vous prouver que la science parfaite n'a pas été offerte à un seul homme. Cette esprits dignes d'elle, mais qui naît que d'un débat, d'un regroupement magnifique des pensées de ceux à qui on a un jour donné une plume dans la main.
Je lus beaucoup d'ouvrages, de ceux qui offrirent une parcelle de leur esprit au monde, à la recherche de cette connaissance parfaite des choses. Grâce à eux et à tous les autres, je me suis engagée dans le combat de l'Imagination, c'est peu dire que ce pays est aujourd'hui de nouveau mis en avant dans nos vies.
J'ai décidé de devenir écrivain. J'ai décidé de traduire les pensées des hommes pour les poser sur le papier. De combattre la monotonie des jours et d'essayer d'offrir aux autres un sourire à travers ce que je peux écrire. Car, dans les écrits de Paul Ouanich on peut lire : « la meilleure façon de prendre les choses du bon côté, c'est d'attendre qu'elles se retournent. ».


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