dimanche 24 avril 2011

- Le Palais Souvenir -

Texte écrit pour mon professeur d'Histoire en première, qui adorait les descriptions à la Balzac. Enjoy !






La pâleur de la lumière scintille sur les vitraux transpercés d'éclats d'or et de rose. Une façade toute entière arquée de verre, illuminée par les derniers rayons du soleil mourant, dressée au bout de la magistrale salle de bal. Mes pas se cognent contre le silence du marbre crème lissé par le temps, j'ose à peine m'avancer parmi les colonnes de pierre, sur lesquelles subsistent encore des ornements dorés, enlaçant les courbes du pilier avec paresse. Dans ce lieu abandonné au silence et au souvenir, dans cette longue et haute salle recouverte d'une épaisse couche de poussière grise, sous les voûtes peintes de couleurs chaudes encore visibles, ponctuées par d'écrasants lustres de cristal pétillant parfois de quelques lueurs malicieuses, il me semble pouvoir sentir la présence des vivants ayant paru sous leurs plus beaux atours, tout autour de moi, à danser une valse joyeuse et entraînée. Des fantômes qui maintenant ne dansent plus que sur un air mélancolique, l'air du palais devenu lourd de cendres dont le dépôt n'est qu'un reste de souvenirs perdus dans le temps.
Je devine, par delà les deux murs de la salle parsemés de miroirs au grain usé et revêtus de toiles paysagistes ainsi que de lourdes tapisseries dont le rougeoyant a perdu son éclat, entre lesquels s'élèvent nombre de hautes fenêtres vitrées, offrant une vue sur les balcons richement sculptés, la parure crépusculaire du ciel.
Je marche lentement, comme pour ne pas briser ce cocon à la fois mort et vivant dans lequel j'évolue, écrasé dans cette harmonie d'or et de marbre, de lumière expirant et de poussière collante, moi, simple homme, ombre errante dans un souvenir. Je passe devant les hautes fenêtres, élégamment encadrées de draps mauve, ne parviens pas à apercevoir mon reflet flou dans les miroirs salis par le temps, et foule maintenant le large et long tapis bordeaux dont les motifs brodés en fil d'or et d'argent dessinaient d'envoûtantes courbes où feuilles de frêne et de lauriers s'entremêlent, laissant éclore quelques orchidées plutôt effacées accompagnées de primevères malheureusement défraîchies.
Le silence des murs est retentissant et rend ma respiration plus forte, comme si son écho montait vers les courbes des coupoles pour se transformer en une succession de vagues soupirs. Je ne saurais dire si j'ai froid ou chaud. Je continue sous les regards vides d'angelots blancs et potelés penchés sur moi, accrochés aux angles du haut plafond, et parmi ces statues délicates et figées, ces peintures au dessus de ma tête et sur mes côtés, ces fenêtres et ces tapisseries, ces miroirs aveugles et ces colonnes fières, j'arrive devant l'estrade illuminée.
Le tapis royal me dépose au bout des trois marches polies, mes pieds les gravissent une à une, et je me retrouve encerclé de cette lumière douce et vive à la fois, un précipité de cendres tombant sur moi et devant mes yeux, devenant une traînée de poussière de lumière sur moi.
C'est un mur de verre en demi cercle, une alcôve totalement transparente face à l'approche tâtonnante de la nuit. Il ne reste que quelques pans du soleil, poussé d'un autre côté de la terre, il vit ses ultimes instants sous mes yeux, brûlant d'un jaune vif et d'un rouge bouillant. Je suis arrivé à temps, ici, où ce dernier a prit possession de tout ce lieu, et pourtant, au dehors de ce palais, au delà des plaines et de la mer pailletée d'étincelles vive, le soleil disparaît définitivement et me laisse aux mains de l'obscurité.


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